Les pincettes sont de rigueur avant de proclamer la victoire contre les rides, mais les chiffres font lever bien des sourcils : selon un vaste travail mené par les économistes du Fonds monétaire international (FMI), un individu de 70 ans en 2022 obtient, aux tests de mémoire, d’orientation et de calcul, le même score qu’un quinquagénaire en 2000.
Son endurance respiratoire et la vigueur de sa poignée de main correspondent, elles, à celles d’un quiquagénaire d’alors. De quoi rebattre les cartes du grand âge — et dessiner un horizon plein d’opportunités, pour peu qu’on sache l’exploiter.
Un bond de vingt ans dans la tête
Les auteurs du chapitre 2 du World Economic Outlook 2025 ont passé au crible les données de plus d’un million de personnes âgées de 50 ans et plus, originaires de 41 pays.
Verdict : les performances cognitives progressent en moyenne d’une année tous les 18 mois. Ainsi, un septuagénaire d’aujourd’hui répète une liste de mots ou effectue une soustraction simple avec la même aisance qu’un adulte de 53 ans au tournant du millénaire. Les gains ne relèvent pas de l’anecdote : ils se traduisent par une probabilité de rester dans la vie active supérieure de vingt points et par six heures de travail supplémentaires chaque semaine.
Muscles et souffle : le corps suit la cadence
Le cerveau n’est pas seul à rajeunir. Les chercheurs ont aussi scruté deux marqueurs physiques faciles à mesurer : la force de préhension et la capacité pulmonaire. En compilant les enquêtes santé réalisées depuis 2000, ils ont montré qu’un 70 ans d’aujourd’hui présente un indice de « frailty » équivalent à celui d’un adulte de 56 ans il y a un quart de siècle.
Autrement dit, les progrès médicaux, la prévention cardiovasculaire et, plus récemment, l’essor des parcours de remise en forme pour seniors portent leurs fruits de façon tangible.
Les ressorts d’un rajeunissement accéléré
Comment expliquer cette cure de jouvence collective ? D’abord, la baisse du tabagisme et d’une consommation d’alcool autrefois banalisée ; deux facteurs que l’économiste Charles Kalshoven cite comme déterminants pour expliquer les scores inédits des septuagénaires actuels.
À cela s’ajoutent la démocratisation de l’enseignement supérieur et l’accès, plus précoce qu’autrefois, aux outils numériques qui font travailler la mémoire de manière ludique et continue. Enfin, la diffusion des recommandations de santé publique — marcher vite, surveiller sa tension, tester son audition — consolide le capital cognitif tout en préservant le corps.
Des seniors encore au travail
Le FMI voit dans cette évolution un levier macro-économique puissant. En Europe comme au Japon, l’« âge effectif » de sortie du marché du travail.
Une fonction publique en quête de talents et des entreprises en déficit de main-d’œuvre redécouvrent les atouts d’une génération expérimentée, capable de transmettre sans ralentir la cadence.
Le rapport estime que les économies avancées pourraient gagner 0,4 point de croissance annuelle d’ici 2050 si elles mettent en place des politiques favorables au maintien en emploi des plus de 65 ans, tout en réduisant les écarts de santé entre catégories sociales.
Des observations à prendre avec précaution car les impacts de l’intelligence artificielle sur l’emploi sont à ce jour encore difficiles à estimer, même si l’on sait juste qu’ils seront très importants.
Conseils pour cultiver cette longévité active
Rien ne sert de posséder les gènes d’un centenaire si l’on cède au canapé. Les gériatres rappellent qu’un cocktail simple — activité physique régulière, alimentation riche en végétaux, apprentissages continus et interactions sociales de qualité — protège à la fois les neurones et les mitochondries.
Remplacer un trajet en voiture par quinze minutes de marche rapide, apprendre quelques mots d’italien en ligne ou rejoindre un club de chant sont autant d’actes « petits mais costauds » qui entretiennent les connexions synaptiques et stimulent la neuro-plasticité.
Un principe résume la démarche : faire chaque jour quelque chose d’un peu exigeant pour la tête ou pour les jambes, mais jamais pour l’une au détriment de l’autre.
Vers un nouveau contrat social
Voir des septuagénaires jongler avec les tableurs ou prendre un vol long-courrier pour animer une conférence bouleverse notre représentation de la retraite. L’enjeu n’est pas seulement de repousser une borne d’âge inscrite dans la loi ; il s’agit d’inventer des parcours modulables où l’expérience trouve sa juste place, sans ignorer la diversité des trajectoires de santé. Car le FMI précise que le slogan « 70 = 50 » ne concerne pas encore tout le monde — les inégalités d’éducation et de revenus pèsent toujours sur l’espérance de vie en bonne santé. Les politiques publiques auront donc la lourde tâche de transformer cet atout statistique en progrès partagé.
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